Dans vingt ans, nous serons vieux ou morts !

À travers des enfants dans l’univers d’une école internationale, Stefan Kaegi et Lola Arias livrent une vision de notre futur.

Von WYNANTS JEAN-MARIE

08.07.2008 / le soir belgique

Mettre des enfants en scène n’est jamais simple. Stefan Kaegi et Lola Arias ont pourtant choisi, avec Airport Kids, de créer un spectacle dont des enfants sont à la fois le sujet et les interprètes. Aucun adulte sur scène, juste une troupe de mômes de 8 à 12 ans. Mais pas n’importe quels mômes. Comme ils nous l’apprennent en se présentant au début du spectacle, tous ont un parcours déjà bien fourni. Ils vivent à Lausanne mais sont originaires d’autres pays : Irlande, Maroc, Chine, Inde… Leurs parents travaillent généralement pour de grandes multinationales, à des postes relativement importants. Ce qui les amène à changer régulièrement de ville et de pays. Et à devoir constamment se reconstruire un univers, des amitiés, une identité.
Un avenir globalisé
Suivant les cours de l’école internationale de Lausanne, Oussama, Julien, Kristina, Garima, Clyde et les autres sont à la fois des privilégiés et des enfants un peu perdus, sans véritable base où se poser. Des Airport Kids pour lesquels les aéroports sont comme une seconde maison. Le plateau ressemble d’ailleurs à un hangar où chacun des neuf enfants vit dans son petit container. Rien à voir avec des réfugiés survivant dans la clandestinité, certes. Les metteurs en scène ne cherchent d’ailleurs pas à nous faire pleurer sur le sort de supposés pauvres petits enfants riches. A travers eux, c’est plutôt notre avenir qu’ils explorent.
Si le spectacle, qui dure à peine plus d’une heure, ne manque pas d’humour ni d’invention visuelle (travail vidéo, chansons interprétées par la petite bande se muant en groupe de rock, etc.), on aurait tort de s’arrêter à sa simple enveloppe artistique. Car ce qui frappe ici, c’est à la fois le côté enfantin des jeunes interprètes qui s’amusent manifestement beaucoup mais aussi leur grande maturité. On rit donc très souvent, on sourit beaucoup mais on frémit aussi face au formatage qu’ils semblent déjà avoir subi.
Quand Patrick le petit Irlandais raconte que sa mère travaille pour un grand cigarettier, on se contente d’enregistrer l’info. Quand il ajoute que, plus tard, il ne pourra faire le même métier car la pression actuelle contre la cigarette est trop forte, on tend l’oreille. Et quand il conclut que cela ne le tracasse pas vu que, d’ici là, on trouvera bien d’autres addictions pour faire vendre, on rit jaune, très jaune.
Sympas, drôles, intelligents, débrouillards, les Airport Kids ont des allures de potaches en vacances à Avignon mais il ne faut pas s’y tromper.
C’est bien de notre avenir qu’ils parlent à travers le leur. Un avenir globalisé, mondialisé, dont on ne sait trop s’il faut le craindre ou en rêver.
Et pour nous convaincre définitivement qu’on aurait bien tort de les tenir pour quantité négligeable dans ce festival où chacun se pique de réécrire le monde jour après jour, la joyeuse troupe termine par un rock saignant dont le refrain sonne comme un avertissement : « Dans vingt ans, j’aurai le pouvoir / Tu seras vieux ou mort ! / J’essaierai de faire mieux que toi ! »
Difficile d’être plus clair.
Airport Kids, jusqu’au 12 juillet au gymnase du Lycée Mistral, www.festival-avignon.com, 00-334-90.14.14.14.


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