ADIEU À « LA REVOLUCIÓN »

Von Élie Castiel

29.05.2019 / www.acces-culture.fr

On ne savait pas à quoi s’attendre. Surprise de taille que cette proposition de Stefan Kaegi pour marquer les 60 ans de la révolution cubaine. Sur scène, une nouvelle génération, deux jeunes hommes et deux jeunes femmes, le plus âgé, mi-trentaine; effectivement, une génération qui n’a pas connu les premiers soubresauts d’un changement de régime perpétré par Fidel Castro face à la dictature impérialiste de Batista.

Les quatre protagonistes de cet essai théâtral à la fois libérateur, humoristique, nostalgique, politiquement engagé interrogent, à travers leurs propres histoires, la fin des utopies tout en se réappropriant les concepts de la révolution pour les déconstruire, les souder à leur façon, en harmonie avec un nouveau monde qui ne cesse de se transformer.

Le romantisme éclaté du communisme cubain commence à s’effriter après la chute des Murs de l’Europe de l’Est et de l’Union soviétique. Cuba résiste à la tentation de céder à un Occident parfois terriblement individualiste et repoussant les préceptes du collectivisme. Mais dans le même temps, poussent des générations qui ne voient pas les choses de la même façon, mais qui croient mordicus en un monde de partage, humaniste, conciliateur, loin de celui du capitalisme sauvage.

Si d’une part, la forteresse castriste ne résiste plus au mode de pensée du nouveau monde; le libéralisme économique mondial ne fonctionne pas non plus. Ces jeunes s’adressent à nous en nous posant les questions fondamentales que nous redoutons puisqu’elles compromettent notre confort et notre indifférence. Dans la mise en scène de Kaegi, un seul alibi, celui de tenir le spectateur comme témoin de l’Histoire qui se raconte devant lui, parfois le sommant de participer intellectuellement à ce théâtre nouveau genre qui remet en question les codes même de la dramaturgie.

Théâtre expérimental, collectif, quasi participatif, anti-establishment, refusant le vedettariat. Car ces personnages, on les retrouve une fois la pièce fini. Ils nous ressemblent parce qu’ils font partie de la mouvance sociale. Théâtre-réalité.

Et il y a des moments émouvants, troublants, notamment dans ces séquences vidéo qui racontent l’Histoire d’un pays à travers ses décennies houleuses. Aujourd’hui, 2019, soixantième anniversaire d’une utopie presque parfaite. Elle ne peut se réaliser concrètement que si les signataires de ce nouveau Cuba sont pris au sérieux. En attendant, le pays se transforme chaotiquement parce que la liberté ne s’achète pas, elle s’apprend et on doit la mériter à condition d’y croire.


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Granma. Posaunen aus Havanna