Des ex-salariés de la Sabena font le deuil de leur compagnie sur scène

By Mehdi Lebouachera

03.10.2004 / aol.fr



Six ex-salariés de la Sabena sont montés sur scène lors des Francophonies de Limoges, qui se tiennent jusqu'au 10 octobre, pour raconter la faillite retentissante de la compagnie aérienne belge en novembre 2001 qui a fait environ 8.000 licenciés, une pièce de théâtre en forme de thérapie et de deuil.

Dans ce spectacle, intitulé "Sabenation", chacun parle de la passion d'exercer son ancien métier d'hôtesse, de mécanicien ou d'agent de sécurité, de la fierté de porter l'uniforme d'une compagnie où régnait une culture d'entreprise très forte.

Myriam Reitanos, hôtesse pendant 25 ans à la Sabena, ne cesse de le clamer sur les planches. "I love my job! (j'aime mon travail)", crie-t-elle à plusieurs reprises. "Je ne disais jamais: +je vais au travail+ mais +je vais voler+", clame-t-elle.

Les "Sabéniens" racontent aussi la stupéfaction avec laquelle ils ont appris la nouvelle de la faillite, le sentiment de n'être qu'un numéro de matricule, d'être déconsidérés, les crises familiales qui s'en sont parfois suivies ou, souvent, la difficulté de retrouver un travail.

"C'est comme si j'avais eu un accident ou subi un traumatisme, explique Myriam dans sa loge, avant la première représentation. Vous perdez une famille, votre vie sociale, vos amis et vos revenus". L'hôtesse, qui est désormais formatrice de membres d'équipages, ajoute: "certains ne s'en sont pas remis".

Ils jouent leur propre rôle

"C'était notre Sabena, nos avions", insiste Danny Rits, employé pendant 26 ans à la sécurité de la compagnie, devenu employé au service de l'immigration du ministère belge de l'Intérieur.

Daniel Wetzel, le metteur en scène et membre de la compagnie germano-suisse, Rimini Protokoll, a mis un point d'honneur à ne faire jouer que des salariés et non des acteurs. "Ils jouent leur propre rôle. Aucun acteur ne peut jouer comme ils le font", souligne-t-il.

Pour cette pièce, comme plusieurs autres réalisées par Rimini Protokoll dans la même veine, il n'y a pas eu de scénario écrit. "Nous avons écouté leur histoire et nous leur avons dit: +racontez le sur scène+, explique Daniel Wetzel. C'est du théâtre-documentaire".

Mais pour les acteurs, "Sabenation" a aussi permis de cicatriser des blessures profondes. "Ce spectacle m'a énormément aidé à faire mon deuil", assure Danny Rits, qui parle encore de la compagnie avec la gorge nouée.

"Après la faillite, je n'ai pas pu reparler à mes anciens collègues pendant un an. J'ai fait un deuil dans le silence", poursuit Jean-Philippe Petiaut, ancien mécanicien au sol. "C'est cette pièce de théâtre qui m'a permis de pouvoir les contacter à nouveau", ajoute-t-il. Aujourd'hui, il travaille dans l'industrie pharmaceutique et fabrique des médicaments anti-dépresseurs.

Quant à Myriam Reitanos, cette aventure lui a redonné "confiance", lui a permis de se "remettre à flot". "Quand une hôtesse prend sa retraite, elle fait un dernier vol, qui est une véritable fête. Cette pièce, c'est le dernier vol que je n'ai pas pu faire à la Sabena", sourit-elle.


Par Mehdi LEBOUACHERA

http://infos.aol.fr/info/ADepeche?id=331895&cat_id=6

3 octobre, 09h16


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