Avignon. «Airport Kids», une autre facette de la mondialisation.

Airport Kids de Lola Arias et Stefan Kaegi. Lycée Mistral, à 15 heures. Jusqu’au 12 juillet.

Von MAÏA BOUTEILLET

08.07.2008 / Libération

Après les camionneurs bulgares et les téléphonistes indiens, le Suisse Stefan Kaegi, qui puise la matière de ses spectacles dans la réalité mondialisée, s’intéresse aux «airport kids». Autrement dit ces gosses en perpétuel transit, qui vont d’écoles internationales en écoles internationales, au gré des mutations de leurs parents ; nouveaux spécimens de nomades, hyperadaptables, polyglottes, n’ayant qu’une vague idée de leur pays d’origine, et rêvant de duty free.
Pour l’occasion, Kaegi a momentanément quitté ses amis du groupe Rimini Protokoll pour réaliser avec l’auteure argentine Lola Arias un spectacle à mi-chemin entre le documentaire et la fiction. Ensemble ils ont mené des ateliers à Lausanne avec des enfants de 8 à 14 ans de toutes origines, à partir de leurs histoires.
Privilégiés. La grande qualité du spectacle, c’est l’énergie qui s’en dégage, en l’absence de tout angélisme. Dans le genre très casse-gueule du spectacle avec enfants, le duo réussit la prouesse de leur laisser entièrement le plateau - il n’y a aucune utilisation de quiconque - sans que cela parte dans tous les sens.
Dans le gymnase du lycée Mistral d’Avignon, l’empilement de caissons d’aluminium et les appareils de levage plantent le décor d’un hangar à marchandises en attente d’embarquement. Placé sous surveillance de caméras vidéo, le décor tient aussi du jeu de construction.
Bribes de futur. Dans chacun de ces containers, arrangés par chacun comme autant de jardins secrets, Oussama, Julien, Kristina, Patrick et leurs amis livrent des bribes de leur vie et du futur tel qu’ils l’imaginent. Pendant que leurs parents travaillent (beaucoup), ils refont le monde, empoignant au passage guitares, micro et batterie avec conviction. Originaires de Russie, d’Angola, du Maroc ou de Chine, ils sont pourtant privilégiés - pour la plupart fils de cadres de multinationales : Nestlé, Philip Morris ou Tetra Pak - même si l’histoire des parents peut être jalonnée de guerre et de misère.
Ainsi apprend-t-on au passage que la famille de la Roumaine Raluca, partie du projet, a fait l’objet d’une reconduite à la frontière. Equipés de toutes les technologies de communication actuelles, ils rêvent de coloniser Mars (car il n’y a plus de place en Chine), de voguer indéfiniment sur les eaux internationales (pour ne pas payer d’impôts), d’inventer de nouvelles addictions pour en tirer profit, ou de devenir soldat pour voyager et être bien payé.
Purs produits de l’époque, ils ont intégré tous les codes du capitalisme mondialisé. Tout cela avec rapidité d’esprit, un sacré sens de l’humour, sans état d’âme. «Dans vingt ans, je suis le chef de ton entreprise.» «Dans vingt ans, tu es mort.» Les adultes n’ont qu’à bien se tenir.



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